jeudi 21 février 2013

La douleur chronique pourrait influencer l'activité de certains gênes


Des chercheurs du Centre de recherche sur la douleur Alan-Edwards, lié à l'Université McGill, ont récemment publié une étude révélant un lien entre l'exposition à la douleur chronique et d'importantes modifications génétiques.

Peripheral Nerve Injury Is Associated with Chronic, Reversible Changes in Global DNA Methylation in the Mouse Prefrontal Cortex.


L'étude menée par Laura Stone et Moshe Szyf, tous deux professeurs et chercheurs à McGill, est parue en janvier dernier et marque la découverte d'un mécanisme par lequel l'organisme garde le "souvenir" d'une atteinte à un nerf périphérique grâce à un système de marquage chimique de l'ADN, appelé méthylation. Ce processus épigénétique entraîne des modifications du marquage de l'ADN à long terme au niveau du cortex préfrontal et de l'amygdale, pouvant mener à des maladies chroniques comme l'obésité, la fatigue ou des désordres neurologiques et mentaux.

Contrairement aux facteurs génétiques qui sont héréditaires et permanents, les facteurs épigénétiques peuvent être réversibles lors de changements environnementaux. La méthylation de l'ADN est une empreinte épigénétique marquant le gène lui-même et permettant de le lier à une expérience négative, ce qui affecte directement les agissements de ce gène. Selon Mme Stone : " Les résultats de cette étude semblent indiquer que les modifications épigénétiques entraînent des altérations du système nerveux central liées à la douleur chronique, (...) pouvant constituer une cible thérapeutique." 

Cette étude permet aussi de conclure que de nouveaux moyens d'intervention devraient faire leur apparition dans le traitement de la douleur chronique, principalement des approches comportementales ou pharmacologiques, limitant la méthylation de l'ADN.

DNA methylation of SPARC and chronic low back pain.


En 2011, Mme Stone, M. Szyf et quelques collaborateurs ont publié une autre étude concernant la méthylation de l'ADN, observant cette fois-ci son rôle dans l'expression de la protéine SPARC (Secreted Protein, Acidic, Rich in Cysteine) aussi connue sous le nom d'ostéonectine.

Les résultats obtenus avaient alors démontré que la méthylation de l'ADN diminuait l'expression de la protéine SPARC, menant à une dégénérescence accélérée des disques intervertébraux et à de la douleur chronique, principalement en ce qui a trait à la région lombaire. Il avait alors été possible de conclure que la méthylation d'un seul gène joue un rôle important dans la sensation de douleur, autant chez les modèles humains que pour les animaux, et que ce processus est primordial dans la compréhension des mécanismes impliqués dans la douleur chronique.

Chronic opioid use is associated with increased DNA methylation correlating with increased clinical pain.


Une troisième étude, publiée dans le journal Pain en 2012, a établi un lien potentiel entre la méthylation de l'ADN et la consommation fréquente d'opioïdes, substances de synthèse telles la morphine et la codéine, dont les effets se comparent à ceux de l'opium. Comme conclusion, les auteurs affirment que les opioïdes pourraient stimuler la méthylation de l'ADN sur le génome en entier, menant à des effets négatifs sur la douleur des individus aux prises avec de la douleur chronique et pouvant fournir un nouveau mécanisme d'hyperalgésie.

Voici le premier vidéo d'une série de trois, expliquant les raisons de la prescription d'opioïdes dans le traitement de la douleur chronique ainsi que les potentiels effets négatifs sur la santé. 






Références

Université McGiil: https://www.mcgill.ca/newsroom/

Peripheral Nerve Injury Is Associated with Chronic, Reversible Changes in Global DNA Methylation in the Mouse Prefrontal Cortex: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23383129

DNA methylation of SPARC and chronic low back pain: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21867537

Chronic opioid use is associated with increased DNA methylation correlating with increased clinical pain: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23273101

Pour en savoir plus

Douleur[s] Chronique[s]: http://www.douleurchronique.fr
Collège des Médecins du Québec: http://www.cmq.org/fr

vendredi 15 février 2013

La chronicité: problématique biopsychosociale



En 2005, la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) a mandaté un comité d'experts de la douleur chronique pour évaluer les options s'offrant à eux afin de réduire l'impact de la chronicité chez les personnes victimes d'accidents de la route et présentant des blessures musculosquelettiques.

De nombreux écrits scientifiques ont été répertoriés par ce comité, ce qui a permis de démystifier quelques faits sur la chronicité, tout en établissant des stratégies pour les personnes qui ont déjà atteint la chronicité.

Facteurs de risque

Contrairement à ce que l'on peut penser, la gravité d'une blessure joue un rôle négligeable dans le développement de la chronicité. Les facteurs psychosociaux seraient de bien meilleurs facteurs pour prédire d'éventuels symptômes de douleur et d'incapacité chronique. Malgré cette découverte, il n'existe pas d'outils permettant de dépister de façon rigoureuse et constante le développement de la chronicité. Certains facteurs ont toutefois été identifiés comme ayant une bonne valeur prédictive de chronicité par les résultats des études scientifiques. Parmi ceux-ci, ont retrouve:

- L'âge
- Le statut d'emploi
- Les attentes de la personne face à son retour au travail
- La pensée catastrophique
- La peur face à la douleur et au mouvement

Il peut arriver que des facteurs d'ordre psychologique, comme la dépression, l'anxiété et la toxicomanie, s'installent chez les patients traités pour une incapacité. Cela ne représente toutefois pas une contre-indication à la participation à un programme de réadaptation, particulièrement en ce qui concerne les programmes basés sur l'activité physique, puisque ceux-ci sont fréquemment utilisés pour traiter ce type de troubles psychologiques.

Dépistage des facteurs de risque

Comme il est difficile de mettre au point un outil de dépistage assez sensible pour retracer le faible pourcentage (1-2%) d'individus qui développeront des symptômes de douleur chronique, quatre facteurs ont été inventoriés comme étant de bons facteurs de prédiction de chronicité, quatre semaines après l'accident:

- L'expérience de la douleur
- L'incapacité perçue par l'individu
- La pensée catastrophique
- La kinésiophobie

Types d'intervention

Les interventions visant à traiter les facteurs de risques psychosociaux liés à la chronicité doivent minimiser le développement de symptômes prolongés ou l'absence prolongée du travail. Dans cette optique, les intervenants auraient comme rôle d'informer la personne accidentée afin de la rassurer sur sa condition, d'aborder les craintes face à la réactivation et de limiter les effets de pensées catastrophiques. Les interventions multidisciplinaires devraient donc être priorisées dans de telles situations, puisqu'elles permettent d'aborder différentes dimensions du problème de façon simultanée.

De plus, l'introduction rapide d'un programme d'exercices thérapeutiques supervisé par un kinésiologue est recommandée, dans le but d'exposer de façon graduelle la personne accidentée à des activités et ainsi combattre l'installation de la kinésiophobie et des peurs d'aggravation de la blessure. Cette méthode a aussi été démontrée comme étant efficace pour réduire la douleur et améliorer l'état fonctionnel de la personne accidentée, lui permettant ainsi de rapidement reprendre le travail et les activités habituelles.

En conclusion, il est primordial de dépister rapidement les personnes à risque de développer des symptômes de douleur chronique et leur offrir un type d'intervention spécifique aux facteurs de risque évalués. L'introduction d'un suivi multidisciplinaire visant à prévenir ou à traiter les cas de kinésiophobie ou de pensée catastrophique reste l'un des meilleurs moyens d'améliorer les chances d'un individu de retourner à ses activités quotidiennes et de retrouver sa capacité fonctionnelle, pour ultimement effectuer un retour au travail le plus rapidement possible.


lundi 4 février 2013

Vidéos éducatives sur la douleur chronique

L'activité physique est l'un des meilleurs moyens pour diminuer les symptômes de la douleur chronique. Bien que ce ne soit pas toujours évident pour les personnes en douleur d'introduire cette composante dans leur routine (voir le billet précédent), il reste que cela demeure l'un des moyens les plus utilisés par les professionnels de la santé pour aider leurs patients à retrouver une certaine qualité de vie. 

En fait, ces professionnels (physiothérapeutes, ergothérapeutes, kinésiologues, etc.) ont comme responsabilité d'informer leurs patients, autant sur les effets positifs qu'aura l'activité physique sur leur vie que sur l'origine de la persistance de leur douleur. En comprenant ce phénomène, les personnes aux prises avec la douleur chronique se sentiront rassurées et auront tendance à s'impliquer davantage dans leur programme de réadaptation. 

En parcourant le Web, plusieurs outils peuvent être retrouvés pour aider les professionnels de la santé à éduquer leurs patients sur la provenance de leur douleur et les solutions qui s'offrent à eux. Parmi ces outils, certains se démarquent d'avantage par la qualité de la vulgarisation, permettant ainsi à n'importe quel individu de s'informer et de comprendre l'information qui y est présentée. 


Vidéo 1: Comprendre la douleur et qu'en faire en moins de cinq minutes?




Cette vidéo est la version traduite de "Understanding Pain: What to do About it in Less Than 5 Minutes?", une vidéo montée en Australie par l'organisation Painaustralia, qui explique la nature de la douleur chronique et les solutions qui peuvent y être apportées d'une façon originale. 


Vidéo 2: La réactivation et la gestion des énergies


Le Centre de réadaptation Lucie-Bruneau a aussi créé sa propre série de vidéos afin de vulgariser le phénomène de douleur chronique pour ses clients. Ces courtes vidéos montrent les obstacles que les personnes atteintes de douleur chronique affrontent dans des situations de la vie de tous les jours, dont leurs craintes face à l'activité physique.

Plusieurs ressources peuvent être trouvées sur Internet afin d'aider les professionnels de la santé à éduquer leurs clients d'une façon accessible et divertissante. Les deux vidéos montrées plus haut, ainsi que les autres courts-métrages retrouvés sur le site du Centre Lucie Bruneau, pourraient servir de base pour informer les personnes en douleur chronique lors de leurs premières visites dans un centre de réadaptation.


Références

Painaustralia: www.painaustralia.org.au
Centre de réadaptation Lucie-Bruneau: www.luciebruneau.qc.ca

Pour en savoir plus

Hunter New England Local Health District: www.hnehealth.nsw.gov.au
Programme ACCORD: www.programmeaccord.org