vendredi 5 avril 2013

Pharmacodépendance en situation de douleur chronique

La plupart des personnes aux prises avec de la douleur chronique consomment des analgésiques ou des médicaments de la famille des opioïdes qui ont été prescrits par leur médecin dans le but d'atténuer la douleur. Il est alors normal d'observer, chez certaines personnes, une légère crainte de développer une dépendance à ces médicaments. De l'autre côté, il est aussi parfois difficile pour les médecins de déterminer si la douleur déclarée par son patient est vraiment l'expression de sa maladie ou si elle fait plutôt partie d'un problème de toxicomanie. 

Cette crainte est souvent disproportionnée par rapport au faible taux de pharmacodépendance observé chez les personnes aux prises avec de la douleur chronique et qui n’ont aucun antécédent de toxicomanie.

Une autre source d’inquiétude est l’effet de l’usage à long terme des opiacés sur la sensibilité à la douleur. En effet, la nécessité d'augmenter les doses de médicaments opiacés peut être l’indice d’une plus grande tolérance aux effets analgésiques, ce qui peut avoir des répercussions à long terme sur l’utilisation de ce type de médicaments.

La demande d'une personne à son médecin d’augmenter sa dose d’opiacés pourrait donc être un signe de dépendance psychologique, lorsqu’il est évident que le patient ressent le besoin de prendre ce médicament. Toutefois, ce genre de demande pourrait aussi s’expliquer du fait que le patient recherche un meilleur soulagement de sa douleur, suite à une dose prescrite insuffisante ou bien en raison d’une plus grande sensibilité à la douleur causée par l’usage prolongé de médicaments opiacés. 

Heureusement, il existe plusieurs outils à la disposition des équipes multidisciplinaires pour évaluer les risques de dépendance d'une personne quant à une médication aux opioïdes. L'un d'entre eux, fourni par la International Society of Addiction Medicine (ISAM), correspond à un cadre d’évaluation des problèmes de douleur chronique, permettant d’analyser le risque de dépendance des patients qui présentent une douleur et demandent des opioïdes. Selon cet outil, il est généralement possible de classer les patients en trois catégories :

Catégorie A : Le patient demande des opioïdes pour diminuer une douleur perçue, mais l’évaluation montre qu’il faut avant tout diagnostiquer la dépendance. La douleur, bien que chronique, sera gérable une fois la dépendance traitée efficacement. 

Catégorie B : Le patient qui veut des opioïdes présente une étiologie clairement identifiable de la douleur et n’a aucun problème de dépendance présent ou passé.

Catégorie C : Le patient présente non seulement une douleur chronique nécessitant une thérapie continue aux opioïdes, mais aussi un problème de dépendance. Il lui faut donc un suivi très attentif et d’une structure stricte. 

Une évaluation complète de la problématique peut donc servir à classer les individus dans chacune de ces catégories pour ensuite imposer le suivi le plus approprié.

La gestion de la douleur relève bien entendu de la science, mais elle est aussi un art, demandant l'orchestration de multiples formes d'intervention individualisées à chaque personne. Cela demande une grande vigilance et une attention constante de la part du médecin traitant et de son équipe, dans le but de fournir le traitement le plus approprié possible, sans tomber dans les stéréotypes d'une potentielle dépendance ni dans la peur de prescrire des opiacés et un traitement non efficace de la problématique.


Références

International Society of Addictive Medicine: www.isamweb.org

International Association for the Study of Pain (2008). Screening for potential opioid abuse. Pain, 16 (7), 1-4.

Mok, James. Douleur chronique et pharmacodépendance. Vie autonome Canada. Récupéré de: www.cnsaap.ca/Fra/ProfessionalToolkits/Treatment_Issues/Chronic_Pain_Management_and_Addiction_Medicine/Pages/default.aspx

Réseau Canadien des Professionnels en Toxicomanie et de Domaines Connexes (2011). Les principes de base du soulagement de la douleur chronique et de la médecine en toxicomanie. Récupéré de: www.cnsaap.ca/SiteCollectionDocuments/PT-Essentials_%20of_Chronic_Pain_Management_2011-06-fr.pdf

Pour en savoir plus

Réseau Canadien des Professionnels en Toxicomanie et de Domaines Connexes: www.cnsaap.ca
Centre Canadien de Lutte contre les Toxicomanies: www.ccsa.ca

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